Présence obligatoire
Elle est juste majeure, vient à la consultation en début de semaine, accompagnée de sa mère, inquiète, à juste titre, quand on franchit à pas feutrés l’écriteau « Maladies Infectieuses et Tropicales » puis « Centre de Dépistage Anonyme et Gratuit »…
Elle est jeune, mignonne, derrière son pull rouge à col roulé qui laisse suggérer des formes avantageuses. Elle a ce regard brillant des gens fiévreux mais elle garde un sourire craquant aux coins des lèvres. Elle ne cherche pas à séduire mais la façon dont elle passe la main dans sa chevelure de petite brunette laisse deviner qu’elle a déjà bien compris les règles ancestrales de la séduction… Et la blouse blanche semble toujours avoir la même attraction sur les jeunes patient(e)s.
Son histoire est simple : angine depuis le week-end dernier, asthénie intense, douleurs abdominales, vomissements l’empêchant de s’alimenter… et depuis ce matin, le teint est jaunâtre. Inquiétude de sa chère génitrice qui imagine déjà les pires pathologies et demande déjà si c’est une hépatite fulminante, comment faire pour avoir une transplantation de foie en urgence…
Avant de rassurer faussement, l’examen clinique s’impose mais il nous oriente assez rapidement sur une conclusion fréquente pour une jeune fille de son âge. Les amygdales sont rouges avec un dépôt blanchâtre facilement détachable, on observe même un purpura pétéchial du palais, le StreptoTest® est négatif ; on palpe des adénopathies douloureuses en région paracervicale. Les conjonctives laissent deviner une bilirubinémie élevés, le foie est augmenté de volume, tout comme la rate…
C’est un cas d’école, typique. On explique calmement l’origine de cette fatigue. Et on prescrit un bilan pour ne pas passer à côté de maladies plus graves : l’hémogramme retrouve de grands lymphocytes hyperbasophiles, le bilan hépatique est perturbé, l’hémoglobine et l’haptoglobine sont basses, la bilirubine est supérieure à la normale. Les tests virologiques sont positifs.
Le diagnostic tombe : angine virale à EBV (Epstein-Barr virus) accompagnée d’une anémie hémolytique. Tout simplement, la mononucléose infectieuse (MNI). Maladie du baiser. Pathologie du fiancé. De transmission salivaire, 80 % de la population est immunisé contre cet agent tant elle est fréquente.
Devant ce tableau clinique, une fatigue profonde, des vomissements profus empêchant tout prise alimentaire, on décide l’hospitalisation pour mettre en place une courte corticothérapie. Et à défaut d’être dans la rue à manifester et se faire molester par des jeunes psychopathes violents, mieux vaut se reposer à l’hôpital.
Le lendemain, les corticoïdes ont bien joué leur rôle d’anti-inflammatoires. Elle va mieux, sourit toujours autant. La sortie est prévue déjà pour la fin de semaine. Le nouvel interrogatoire m’apprend qu’elle a un petit ami. Dans la même classe. Depuis 2 mois environ. Sous contraception orale. Je rappelle tout de même les principes en matière de safe sex…
En début d’après-midi, je me rapproche de sa chambre pour la rassurer sur son anémie. Comme à mon habitude, je frappe puis je rentre sans crier garde. Dès que je loquette la porte, je m’annonce déjà. Je n’attends pas toujours l’autorisation du malade pour franchir le pas.
Mais énorme surprise, profond ahurissement, intense étonnement. Je suis ébahi, stupéfait, bouche bée… J’analyse rapidement la situation puis conscient de mon intrusion et du spectacle dont j’ai été le témoin, je recule, ferme la porte… Déconcerté…
Lui est dans le fauteuil. Elle a ses genoux. Pantalon baissé, caleçon aux chevilles, je ne vois plus que sa chevelure de brunette enfouie dans son antre magique, son pubis touffu, s’affairant à lui procurer le plaisir qu’ils souhaitent.
Ce n’est pas la fellation qui me choque – heureusement – mais le lieu. Ou peut-être suis-je un peu trop prude (humm…) pour pratiquer à l’hôpital…
Mais ils auraient quand même pu mettre la présence !