T’es beau
T'es beau,
T'es beau parce que t'es courageux,
De regarder dans le fond des yeux,
Celui qui te défie d'être heureux.
A. est un ange. Et comme tout ange, il retourne un jour au ciel.
Comme toujours, la cérémonie funéraire est alors pour moi l’occasion de faire le point, de faire face à un bilan, de me projeter dans l’avenir.
L’oraison était simple.
S. fit preuve d’un courage dont il doutait mais dont j’étais persuadé. Car dire un dernier adieu à son compagnon n’est jamais si simple. Les mots semblent fades mais son texte fut très touchant, mettant un point d’honneur à souligner leur complémentarité, leur respect mutuel. Etre aimé ainsi fait plaisir à voir et à entendre.
O., sa meilleure amie, me fit penser fort à Elle. Son discours, pleins de souvenirs de fac, de délires sur les bancs de l’université, me fit comprendre que les ami(e)s sont précieux. Même si on n’est pas toujours assez présent pour eux.
Et la souffrance de sa mère. Enterrer son fils chéri est insupportable, cruel, injuste.
Et dans ma tête, ce matin et cet après-midi, les pensées furent lentement analysées, les situations mûrement réfléchies, mais les décisions difficilement envisageables.
Malgré sept années de médecine, à côtoyer peines, chagrins et la Mort, je n’arrive toujours pas à l’apprivoiser, ni à ne plus en avoir peur.
Je reste toujours angoissé face à mon propre décès, en pensant à la douleur de mes proches (ma mère aurait alors pleuré pour la mort symbolique de son fils homo, elle pleurerait sans doute aussi la perte de son fils sans génération supplémentaire).
Le moment venu aussi de comprendre pourquoi je suis venu sur Paris. Echapper à une emprise familiale, vivre pour moi-même, rencontrer, partager, découvrir...
Mais je déchante actuellement.
Marre déjà d’être la serpillière du service, l’esclave des chefs, à la merci des patientes qui confondent urgences et after, à la sorties de leur croisière nocturne.
Marre de ne pas trouver un bon rythme de croisière, de ne pas envisager de soupape de sécurité. De ne pas avoir le temps de faire du sport, ni de sortir, ni même de répondre à mes mails, ou de lire blogs et d’y commenter.
Marre de perdre l’humanité que j’appréciais dans mon métier. Marre de soigner des fausses urgences au détriment de l’extraction qui sera pris trop tard face à l’afflux sans arrêt de miséreux sans couverture sociale, et qui n’ont d’autre choix que de se faire soigner dans le service public.
Marre de faire face à la tristesse des gens, quand on prononce des termes graves : fausse couche spontanée, grossesse arrêtée tardive, IVG, curetage-aspiration, tumorectomie, accouchement prématuré, spatules et autres forceps...
Heureusement, Elle est toujours là. Je pensais sincèrement être le moteur de notre pseudo-couple. Mais elle m’étonne. Comme souvent, les femmes m’impressionnent, beaucoup plus fortes que leurs congénères masculins.
Et j’aime bien quand elle me prend dans ses bras, malgré l’odeur désagréable que je dégage après une journée de boulot. Merci...
T'es beau,
T'es beau comme un cri silencieux,
Vaillant comme un métal précieux,
Qui se bat pour guérir de ses bleus.