Secret médical
Cet article de Mélie a eu le mérite de répondre à mes nombreuses interrogations sur le secret médical… Et j’en ressors loin d’être rassuré, persuadé maintenant que je bafoue allégrement (je m’en doutais) cette pierre indispensable à l’édifice fragile des rapports médecins/patients…
Mais comment y remédier ? J’ai découvert, par l’écriture, par les blogs, un moyen cathartique, impersonnel, anonyme et efficace de délivrer mes émotions, mes peines, mes idées noires après une journée de travail. Est-ce un mal ? La Loi l’affirme, j’y mettrai quelques bémols.
Pourquoi écrire sur des patients ?
Car la médecine et toute profession en contact étroit avec l’Humain sont épuisantes, physiquement et psychiquement. On rentre lessivé, las, aboulique, sans force… Je croyais au début trouver un minimum de réconfort auprès de mes collègues (mais leur charge émotionnelle est aussi grande que la mienne, donc pas besoin de déverser mes détritus hospitalo-spirtiuels dans leur vide-ordure) ou de ma famille.
La famille, parlons en. Suite à l’examen avec X., je reviens effondré devant tant de misères humaines, d’intolérance, d’injustice. Je tente une approche lors du repas du soir.
Père : « Il est pédé ? »
Père et Petit frère tout juste majeur : « Bien fait pour lui… »
Que répondre ? Ce sont leurs opinions et je ne pourrai pas les contredire, ni leur faire changer d’avis, je n’en ai surtout pas la force.
Donc j’écris, je vous ennuie avec des histoires tristes… mais je me défoule ainsi. En Suède, on avait un groupe de paroles, une sorte de débriefing à partir de 17 heures. Au début, je ne prenais jamais la parole car j’étais déconcerté par ce défouloir de sentiments, qui ne ressemblait pas du tout à l’esprit égoïste, personnel, indépendant des Suédois. Mais on m’a intégré dans la discussion, pour exorciser mes démons, partager mes sentiments, mes malheurs, mes expériences difficiles avec un patient, une famille, un décès…
Par ailleurs, j’ai déjà été confronté au non respect du secret médical, car cela me concernait directement. Comme nombreux d’entre nous, je n’ai pas été toujours très prudent concernant ma sexualité et je n’en suis pas fier. Et je remercie ma bonne Etoile de ne pas avoir attrapé une maladie… J’ai donc fait des tests dans un centre différent de mon CHU, un lieu « anonyme et gratuit » où je m’étais renseigné pour ne pas tomber sur un des médecins du CHU. Je reconnais l’infirmière qui prélève les tubes pour la virologie, mais je ne pipe mot. Retour dans le service le lendemain, et quand elle me voit, elle me demande si … Vous comprenez. Je suis resté sans voix. Je me suis rendu compte que le secret médical est une douce utopie technocratique mais qu’il est foncièrement dur de ne pas parler, du moins évoquer… Je lui ai fait la remarque pour son manque de discrétion et elle s’est fondue en plates excuses… Mais j’ai compris.
Autre exemple. Intervention en octobre. Je préviens mes parents au dernier moment, pour ne pas les inquiéter, pour leur en dire le moins possible… Mais un autre adulte est requis pour toute opération… Je préviens le chirurgien que je souhaite sa plus grande discrétion. Accord donné. Mais j’avais oublié l’anesthésiste. Une fois remonté dans ma chambre, une fois mon trouble du rythme amendé, je l’entends délivré des brides de mon histoire à mon père, qui, en plus, ne comprenait rien… Et qui s’inquiétait de mon état. Je l’aurai tuée !
Idem pour le dernier colloque de neurologie où la vie de ma famille a été passée en revue devant tous les externes du service…
Aussi, il est exact que le secret médical n’est pas tenu sur ce site. Mais je change, bien sûr, nom, prénom, âge, lieu. J’y rajoute des détails, ne délivre pas tout… Je préfère me livrer ici que d’entendre les commérages saugrenus au self ou dans les transports en commun…
Respecter le secret médical, c’est avant tout respecter l’autre et je ne crois pas ni me moquer, ni juger mes patients, ni les trahir. Je garde une certaine distance. Quand je rencontre des patients dans la rue, au centre commercial, en soirées, je ne fais pas de signe. J’attends. Je ne fais pas le premier pas. Je reste là, comme si je ne les reconnaissais (ce qui est parfois le cas, vue ma myopie-maladie)…
J’espère ne pas les choquer, je ne souhaite pas les blesser.
J’apprends seulement à devenir un bon médecin et ça passe par ce site, en attendant…
PS : J'ai relu pendant une partie de la nuit TOUS mes posts pour supprimer noms, lieux, photos et indices pour être plus en accord avec la Loi...