Qui est coupable ?
Depuis jeudi, je ne pense qu’à cela. Mécanisme de défense je suppose. Une fois la douleur, la peine et le chagrin amoindris, des sentiments de révolte, de haine et de rancune s’affrontent au sein de mon cerveau, de ma famille aussi.
Certains sont mécontents des médecins, chirurgiens, radiologues, personnel soignant, regrettant un décès trop tôt, un diagnostic tardif, une attente pour une écho par ci, un scanner par là. Des infirmières et aides-soignantes plus que présentes ont tout de même essuyé les foudres d’une tante – heureusement IDE elle aussi – qui aurait souhaité être là pour les derniers instants, le dernier souffle, comme si celui qui décide de partir laisse tranquillement apercevoir la minute où il passera de vie à trépas.
D’autres se sont considérablement énervés contre le système : l’administration, le service mortuaire, les pompes funèbres, la mairie du village où vivaient mes grands-parents. Car le décès est un formidable négoce, une machine à sous inépuisable. Scellé du cercueil pour le changement de ville, obligation des soins de conservation, construction d’un trou de 3m3dans de la glaise, parution sur le journal. Cette frénésie financière a irrité ma mère.
Je reste donc toujours atypique tel un antipsychotique dont je vois quotidiennement la prescription. Atypique dans le sens où mon coupable est différent des leurs. J’en ai voulu à mon grand-père mais j’accuse surtout sa maîtresse qui l’a poussé plus rapidement que prévu dans l’au-delà. La cigarette et ses 4400 substances nocives : nicotine, goudrons, irritants, produits cancérigènes... Ce bout de papier dont des millions de Français ne peuvent se passer est à lui seul une bombe à retardement, un dynamite dans la bouche, un aller simple vers la mort...
J’avais tenté en vain de l’aider à stopper son addiction mais les patchs avaient été sans effet. Ma seule victoire consistait à ce qu’il ne fume plus en ma présence, l’obligeant à quitter la table quand sa pulsion addcitve devenait trop forte.
La cigarette tue 60 000 fois par an. Mon grand-père vient de rajouter son nom à la liste macabre de cette mante religieuse beaucoup plus sournoise. Sans compter les comorbidités qui l'accompagnent, en particulier cardio-vasculaires et respiratoires, tout ceci sous le contrôle de l’Etat et le lobbying des buralistes.
Dans une époque où le gouvernement prône le sacro-saint "principe de précaution" (entre la grippe aviaire – pas de décès en France -, l'encéphalopatie spongiforme bovine et sa dizaine de cas humains de nouveau variant de Creutzfeld-Jakob) - et autres scandales alimentaires), l’Etat ne devrait-elle pas prendre enfin ses responsabilités et retirer du marché une drogue qui tue autant ?
Mieux vaut alors se concentrer sur le tapage médiatique des éclats politico-financiers et laisser la France d’en bas se détruire sous le ragard amusé de ceux qui nous gouvernent.
J’ai trouvé mon coupable… Mais est-ce le bon ?
Liens vers un site d’aide au sevrage (là et encore là), et vers d'autres qui ont déjà évoqué ce fléau (Ron - deux billets -, Lawrence - ici et puis là -, Chondre et HellCat)