Rumeur
Treize heures. Cinquième étage. Au self. Entre une salade de pâte à la sauce surimi, une purée de salsifis et du boudin noir.
Ma co-interne A. : « J’ai mangé avec O. qui a fait son externat chez toi. »
Esculape : « Ah bon ! Quelle coïncidence ! Et de quoi avez-vous parlé ? » (Dans ma tête, en aparté, je pense déjà qu’O. n’est pas le modèle que je souhaiterais qu’elle garde en mémoire au sujet de ma fac).
A. : « De tout et de rien, de toi aussi... »
J’esquive rapidement ce terrain verglacé pour me lancer sur un sujet plus intéressant que moi-même.
Vingt-trois heures. Huitième étage. Après une délicieuse salade de tomates et un exquis gratin de courgettes, en tête à tête, à se moquer des Américains dans Next.
Appel de C., ma deuxième co-interne féminine : « Au fait, on n’a pas conclu tout à l’heure, mais A. m’a reparlé de toi. O. lui aurai avoué une rumeur te concernant. Dans ta fac, on te dit gay. Et en couple avec un mec de quarante ans... »
Je ne peux m’empêcher de rire, cachant ainsi mon malaise interne. J’ai déjà peur de mon arrivée lundi dans le service, à croiser leurs regards inquisiteurs. A devoir encore une fois justifier mon choix, ma position.
Je ne regrette pas d’avoir quitté ma fac et ma région. De ne plus revoir ces visages qui croient me connaître. O. la personne la plus asociale qu’il m’ait été donné de rencontrer.
O. qui a choisi psy pour développer sa capacité à être discrète et à l’écoute ?
J’ai quitté cette ville à l’esprit villageois intolérant pour me cacher dans l’immensité de l’anonymat parisien.
Et rapidement, la France est déjà trop petite.
Bienvenue au pays des rumeurs et des langues de prutes !