Sa première larme
Il y a 4 ans, alors âgé de 14 ans, ma mère lui annonçait pour son repas d’anniversaire la raison de l’absence de sa marraine : un cancer redoutable lui grignotant sans vergogne le pancréas et les organes de voisinage.
Un mois plus tard, elle disparaissait et la même semaine, il passait son BEPC, sous les contraintes émétiques d’une gastro-entérite aiguë. Sa copie de dictée n’a pas tenu le coup, il lui a vomi dessus…
La semaine de ses 19 ans, son grand-père meurt.
Et pour ces deux évènements, pas de mouvements d’humeur, il est resté calme, placide, stoïque, apparemment sans chagrin, sans larme, sans effusion de colère…
Mais pour la première fois depuis qu’il est né, j’ai vu une larme couler le long de sa joue droite.
Jeudi dernier, après son entraînement de foot, il est sorti avec ses amis, pour fêter son anniversaire. S. est présent mais a déjà un terrible mal de tête, lui le migraineux du groupe. Il rentre chez lui, fatigué, se coucher, en espérant que sa crise aura cédé le lendemain.
Mais les céphalées persistent, redoublent d'intensité, irradiant dans tout le crâne, accompagnées de quelques nausées et d’un inconfort à la lumière.
Il se couche tôt, pour un vendredi soir, ce qui inquiète ses parents. Après le film du soir, alors qu’ils vont au lit, ils passent dans sa chambre pour lui souhaiter une bonne nuit… Il est déjà dans le coma.
Transporté d’urgences en réanimation, son état est critique. Pendant l’après-midi, on se rend bien compte, HellCat et moi-même, qu’il empire, son hyperlactatémie illustrant une souffrance cérébrale qui s’annonce irréversible.
Il est décédé dimanche après-midi. Rupture d’anévrysme cérébral. Coma carus. Mydriase bilatérale.
Pour la première fois, T. laisse entrapercevoir de la rancœur, de la haine envers la destinée. Il m’interroge sur la cause de son décès, l’étiologie de cet anévrysme…
Pourquoi si jeune ? Il allait avoir lui aussi 19 ans.